L’espoir n’était plus certain. Après des années à attendre le retour du maître coréen Bong Joon Ho, on ne pouvait qu’espérer que le réalisateur de l’immense Parasite, film multi-récompensé, Palme d’or provoquant un véritable séisme au sein de l’industrie et propulsant le cinéma coréen vers un public nouveau, encore bien trop restreint par une certaine élite, revienne en force. Après ce succès triomphant et une mise en lumière sans précédent, Bong Joon Ho était attendu au tournant, d’autant plus que son nouveau projet s’est fait désirer, subissant de nombreux reports. Le film lui-même restait assez mystérieux : un retour à une production américaine comme il l’avait déjà fait avec Snowpiercer ou encore Okja sur Netflix, un casting cinq étoiles avec en tête d’affiche un certain Robert Pattinson, au sommet de sa gloire après sa réinvention du Chevalier Noir dans The Batman. Tout cela sous l’égide d’une vision semi-futuriste aux allures de comédie dramatique sur fond de satire sociale, imprégnée d’une critique cinglante de la lutte des classes. Cependant au fil des annonces et surtout face à une bande-annonce étonnamment maladroite, mélangeant humour et science-fiction de façon peu harmonieuse, Mickey 17 semblait déjà prêt à décevoir une partie du public.
Allait-il décevoir une partie du public ? Cette radicalité assumée dans sa mise en avant allait-elle laisser un arrière-goût amer ? La question était sur toutes les lèvres : Bong Joon Ho avait-il réussi à créer un nouveau joyau après Parasite ?
Soyons francs : si vous connaissez bien sa filmographie, vous êtes en terrain connu. Mickey 17 transpire le cinéma de Bong Joon Ho, tant par sa mise en scène que par ses thématiques et son regard acéré sur le monde. Le film s’impose comme une œuvre profondément ancrée dans la vision du cinéaste, au point qu’on pourrait presque le considérer comme une suite spirituelle à Okja, sorti en 2017. Entre satire humoristique, acteurs flirtant avec le surjeu et effets spéciaux parfois exubérants, Mickey 17 jongle habilement entre les genres. Il est inclassable, comme Bong Joon Ho l’avait déjà démontré avec Snowpiercer.
Mais là où le film brille, c’est dans sa capacité à se renouveler. Bong Joon Ho élargit son propos en questionnant l’identité et l’individualisme au sein de la lutte des classes, à travers le personnage de Mickey Barnes. Un homme ordinaire, un peu maladroit, presque naïf, qui accepte un rôle sacrificiel : être remplacé encore et encore dans une mission où il meurt à répétition. Jusqu’à ce qu’il devienne celui qui mettra en péril le système. Difficile d’en dire plus sans gâcher le plaisir de la découverte – bien que les multiples bandes-annonces, en 2 minutes 30, aient déjà dévoilé une bonne partie du film… Un record !
Malgré cela, Mickey 17 reste un pur plaisir de cinéma, grâce à un rythme soutenu sur ses 2h17 et un casting de haute volée. Robert Pattinson, en tête, livre sans doute l’une des meilleures performances de sa carrière. Il incarne avec brio deux rôles distincts sans tomber dans l’excès, prouvant encore une fois qu’il n’est plus seulement l’ex-idole de Twilight, mais un véritable caméléon du cinéma. Loin de la noirceur de son Batman vengeur, il apporte ici fraîcheur et humour, jouant un personnage jovial, un peu bêta, manquant d’assurance, mais terriblement attachant.
Le reste du casting n’est pas en reste. Steve Yeun, qui a fait des choix artistiques remarquables ces dernières années (Burning, Nope), confirme tout son talent. Mark Ruffalo, enfin libéré du poids du MCU, se régale dans le rôle haut en couleur de Kenneth Wallace, un leader autoritaire obsédé par son image, rappelant certaines figures politiques contemporaines. Du côté des rôles féminins, Naomi Ackie s’impose brillamment en cheffe de la rébellion, véritable moteur du basculement du système. Toni Collette, quant à elle, reste cantonnée à un rôle secondaire aux côtés de Kenneth Wallace, tandis qu’Anamaria Vartolomei, pourtant prometteuse, est cruellement sous-exploitée, disparaissant presque en deuxième partie de film – une déception quand on connaît son magnétisme, récemment aperçu dans Le Comte de Monte-Cristo.
Alors oui, Mickey 17 pourra en décevoir certains. Moins percutant que Parasite, il manque peut-être de surprise et d’audace. Son côté parfois trop commercial, son manichéisme et son scénario un peu prévisible le rendent moins marquant. Mais grâce à son rythme impeccable, son humour satirique et l’incroyable talent de son casting, le film reste une proposition solide et divertissante.
Non, Mickey 17 n’est pas un chef-d’œuvre. Ce n’est sans doute pas non plus le meilleur film de Bong Joon Ho. On pourrait lui reprocher une certaine naïveté, une simplification de ses idées… Un pur produit hollywoodien, en somme. Et pourtant, si tous les films commerciaux pouvaient ressembler à Mickey 17, le cinéma grand public se porterait bien mieux. Car Bong Joon Ho, même en terrain balisé, parvient encore à offrir un regard piquant et amusant sur nos sociétés modernes, tout en livrant un film de science-fiction décalé et jubilatoire. Un retour réussi, donc, pour le cinéaste coréen, au sein d’une industrie hollywoodienne qui peine à se réinventer. Curieux, pour un film qui parle de clonage et de répétition…
MICKEY 17 (2025)
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